MAM, chutes, avalanches : l'Alpe homicide qui punit la moindre des négligences
Le weekend rallongé s'annonçait bien : la forme, la motivation, la bonne
humeur, une cordée rodée, du beau temps et de bonnes conditions en haute
montagne étaient au menu.
Et bien, ce fut une longue série de mésaventures.
Néanmoins, le sommet de l'Aiguille d'Argentière fut tout de même foulé dans la
douleur et ce fut bien agréable de passer du temps en compagnie de JB avant son
départ pour 2 mois de mer.
Tout d'abord, mercredi soir nous restons bloqués à Chamonix car la benne des
Grands-Montets est fermée pour cause de vent en altitude. Je ne parlerai pas
des retards de la SNCF ou de JB à la gare de Cluses.
Dans le dortoir, j'arrive ensuite à m'entailler le cuir chevelu sur 5cm.
Départ jeudi matin où nous optons pour le couloir en Y à la journée. Notre
premier objectif, la voie des Suisses est reportée à vendredi. Nous sommes très
loin de penser que nous ne nous rapprocherons jamais de sa rimaye…
Tout se passe bien, on a un bon rythme et les mètres de dénivellation sont rapidement
avalés.
Néanmoins, tout va subitement tourner au vinaigre.
Les premiers maux de tête font leur apparition, la vitesse de progression
ralentit fortement, les nausées et les maux de ventre pointent également leur
nez, juste avant l'arrivée de la fièvre. Autant se rendre à l'évidence : c'est
un MAM relativement foudroyant. Je comprends très rapidement à quel point ce
peut être handicapant et pourquoi c'est un mal si dangereux, qui peut tuer si
vite.
Notre vitesse est divisée par 20 subitement et mon torse devient une véritable
braserade . Il reste 150 m de couloir. La question principale passe alors de « on
fait les suisses ou la verte demain ? » à « on redescend en désescalade
ou on monte au sommet ? »
Je suis vraiment mal, tout me demande un effort surhumain, c'est un véritable
calvaire et je me sens impuissant. Finalement on décide de poursuivre jusqu'au
sommet puis de descendre vite par la voie normale car il fait chaud, on botte
pas mal dans le couloir et ce serait certainement suicidaire de redescendre par
l'itinéraire de montée. Néanmoins, on mettra 2h pour faire les derniers 100 m
et 30 minutes pour l'arête qui en prend normalement 5. Pendant ce temps là, les
pensées se bousculent au portillon et on commence à imaginer le pire. Je
n'aurais jamais été aussi près d'appeler le PGHM alors que je suis contre par
principe.
Je ne parlerai même pas de la descente où je dois toujours m'arrêter tous les 5
pas et de la neige croûtée pas évidente à skier.
Heureusement rapidement, le MAM se dissipera de lui même au refuge. Merci aux
gardiens pour leur accueil chaleureux : ça fait plaisir un peu de douceur
dans un monde de brutes J
Le lendemain c'est la forme mais au réveil, je me rends compte que mon visage
est recouvert de cloques. Direction la vallée donc et la pharmacie la plus
proche avec plusieurs jours de bain de biafine en perspective.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là, JB arrache une fixation de ski (Dynafit) à
la descente. Cela nous rappelle amèrement notre ami Guillaume disparu sur ce
même glacier d'Argentière suite à une rupture de fixation également.... Sans
commentaires d'autant plus que si la fixation avait cassé sous le sommet de
l'Aiguille d'Argentière, JB ne serait peut être plus là... A noter que son
matériel est récent et bien entretenu !!
On finira la journée en se lâchant à la salle d'escalade à Grenoble malgré mes
joues qui pleurent de la lymphe en continu...
Vendredi soir, resto africain sympathique en compagnie d'Anne près de la rue
Humbert II (qui me rend désormais presque indifférent !!), avec les joues
qui coulent toujours :-(
Samedi, direction les grands-parents, cousins, frère et sœur, seulement pour
découvrir la terrible nouvelle sur le Dauphiné Liberé: trois morts à la Mayer
Dibona. Le stress s'installe : qui sont ces malheureux alpinistes ?
J'apprendrai dimanche que l'un d'entre eux est Christophe Choiseau, croisé
plusieurs fois en montagne... Tout comme Stefan Cieslar, un autre alpiniste
rencontré au hasard des sommets disparaît...
Heureusement une très bonne soirée samedi soir (américain du sud cette fois-ci)
avec Tib, qui m'annonce qu'une autre connaissance est polytraumatisée suite à
une avalanche à Cham. Comme quoi, passons plus de temps avec notre famille, notre
moitié et nos amis, et ne remettons jamais à demain ce qui peut être fait
aujourd’hui car nul n’est à l’abri des foudres de la montagne. Carpe Diem est
une belle philosophie qui nous pousse, nous autres montagnards, à parcourir la
montagne. Elle nous permet de vivre des moments de bonheur et de bien-être d’une
rare intensité. Néanmoins, n’oublions pas que la plus belle course est celle de
la vie. Tachons de la prolonger encore de nombreuses années…
Dimanche, lundi, mardi…, les réserves de biafine sont mises à rude épreuve...
Milletheupas.